« Tempus fugit. »
Le temps est assassin. Il laisse ses scènes de crime couvertes d’indices, d’ADN, d’empreintes, de traces de toutes sortes. Pourtant on ne le retrouve jamais. Il n’est jamais condamné.
Un vaste champ de ruines, que chacun essaiera de réparer à partir de morceaux épars, récupérés çà et là. Une photo des enfants au bord de la mer, un mot ou un dessin retrouvé entre les pages d’un vieux bouquin, un parfum oublié dans une valise ou sur un chemisier.
Il a pleuré de désespoir, prié, crié, et, finalement, résigné au deuil, il a enterré les morts, l’épouse, les enfants et lui-même pour finir. Enfoui le cercueil de la famille aimée. Sous la terre, loin, à l’autre bout de ce monde. Et puis… et puis !
Oui, il y eut une suite. Une autre épouse, d’autres enfants. Et bien sûr, les siens, différents, blessés, infirmes, hébétés.
Reconstruire après l’entreprise de démolition… Langage du bâtiment pareil à celui de la guerre totale. La maison, vendue. Le doux foyer, perdu. Les chats, désorientés.
Il marche dans les rues, marche encore et encore. Pour survivre.
Il perd cinq kilos. En reprend dix pour n’en faire plus que cinquante-sept et enfin quatre-vingt-quatorze. Change de métier, y arrive. Non, n’y arrive pas, n’y arrive plus.
Un psy, puis un autre. Est-il coupable ? Culpabilisé ? Culpabilisant ?
Au gré des grilles de lecture psy, se découvre tantôt bourreau, tantôt victime, un peu, trop, pas assez, pas du tout. Trouver le bon dosage. Accepter tout cela.
Qu’arriverait-il s’il se laissait aller ? C’est un battant ! Il se débat.
Entre le verre à moitié plein et celui à moitié vide, il choisit finalement de le boire tout entier. Jusqu’à l’écœurement, jusqu’à en vomir, dégueulant jusqu’à la bile.
Pourtant, un verre d’eau claire, ça vous nettoie, ça vous lave de l’intérieur. Jusqu’au verre suivant. Encore un autre, puis un autre…Un océan de verres à moitié pleins !
Boires et déboires d’un addict à l’amour.
–Tu as ramené le pain chéri ? Tu as vu la porte du garage ? Elle coince par moments. Il faudra refaire la peinture du séjour et penser à acheter du bois pour la cheminée. On a plus de pain.
L’amour, la poésie, la musique des corps, la danse des émotions. Pourquoi s’était-il marié ? A l’église en plus ! Il avait la foi, elle, pas un brin. N’y avait-il pas déjà tromperie ? Avec le naufrage du couple et celui de la famille pour horizon plus ou moins proche.
L’espoir fait vivre. Le temps fuit.