La vie d’un homme.

L’enterrement du brigadier Macheprol valait le détour. Celui-là même dont, Marcelle, la veuve esseulée, batifolait avec le commissaire Filippi. Certes un peu hâtivement selon les convenances mais trop lentement selon sa libido ébouriffée et celle du commissaire, contrainte durant des lunes à la diète, because of une timidité exacerbée.

Arrivé au cimetière, Filippi avait repéré de loin son anglophile avide de sexe, toute de noir vêtu. Il en imagina les contours et la lingerie, dégrafant et ôtant minutieusement sous ses mains expertes, des dessous fripons qui le hisseraient au comble d’une excitation inoubliable, même de mémoire de puces faméliques débarquant de façon inespérée sur l’abdomen gras et dodu d’un chien aux analyses révélant un  taux de cholestérol substantiel (mon mari). Bref, l’extase pour ces minuscules vampires.   

Le cercueil était conduit péniblement par quatre intérimaires (ce ne pouvait en être autrement vu leurs tailles respectives s’échelonnant du mètre cinquante à deux mètres dix environ). Une équipe qui de toute évidence ne s’était jamais rencontrée auparavant.

Le cercueil atteint tout de même le caveau familial à la manière d’un marin unijambiste victime du mal de terre suite à un séjour de pêche en mer de plus de six mois. Gros temps sur le plancher des vaches !

La dépose sur les tréteaux avant la cérémonie de recueillement fut une débâcle de coordination, le cercueil menaçant de rater son aire d’accueil lorsqu’un des porteurs trébucha sur son bas de pantalon trop long, les uniformes fournis par l’entreprise Borniole étant…uniformes justement, taille unique seyant seulement à des personnels aux proportions standard.

En absence de curé, la cérémonie était dirigée par un des employés des pompes funèbres, un grand type visiblement pressé d’en finir, et maigre comme le sens du partage d’un magnat du luxe.

Filippi approchait de la tombe d’un pas prudent de héron cendré, en un lent balancement saccadé, lorsqu’il aperçut un des membres de l’équipe funéraire, le visage gonflé comme un joueur de trompette, retenant de ses deux mains agrippées à une corde, le cercueil suspendu au-dessus du vide du caveau. La raison en était que la dalle assurant l’ouverture de celui-ci n’était pas complètement retirée et empêchait l’équipe des déménageurs du dernier soupir de descendre à la verticale la boîte mortuaire. Surpris et contrariés par cet obstacle inattendu, trois des funambules du port de charge avaient lâché sans préavis les agrès reliés aux poignées du sarcophage, laissant leur quatrième compère le plus costaud, tétanisé par l’effort qu’il dût fournir soudain, transpirant abondamment, à moins une du lâcher prise, car commençant à trembler comme un mec nu sur la banquise par quarante degrés en dessous de zéro.

Heureusement le maçon portugais en charge du scellement de la dalle eu un trait de génie et dit :

-Mettezche le de côtéche, il pachera mioux.

Ce qu’ils firent avant que leur éminent collègue à bout de forces eut lâché le cercueil. Effectivement, de cette façon fort peu conventionnelle le corps, heureusement muni de son emballage quasi intact, atterrit enfin au fond du caveau dans un concert de bruits mous, de grosse caisse de fanfare, de raclements et de clameurs de l’assemblée déconfite.

Le brigadier Macheprol, ratatiné tête en bas, venait de mourir une seconde fois car s’étant retrouvé bien malgré lui, sens dessus dessous dans sa tombe.

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