La vie d’un homme.

Dans sa salle de bains, Filippi, muni d’un sèche-cheveux et d’une brosse, coiffait avec application les bouclettes de poils entortillées au-dessus de son genou, précisément celles qui avaient fait craquer Marcelle, une veuve quarantenaire d’un brigadier mort en service, visitée récemment. Dûment shampouinées, brossées et huilées avec un baume hydratant en provenance de Penhaligon’s Est London, parfumeur de la Queen depuis 1870, les fameuses bouclettes seraient alors à nouveau disponibles et propices à des ébats érotiques de la plus haute intensité, une sensualité à l’anglaise au service de sa majesté et de ses sujets.

Marcelle les avait emmêlées méthodiquement de son index alors qu’ils étaient nus après l’amour, tous les deux assis sur le rebord du lit. Tête appuyée sur son épaule, sommet de masculinité, elle lui avait avoué d’une voix suave (dans la police on ne parle pas, on avoue) :

-Tes bouclettes me rendent toute chose, tu sais.

-Pardon ?

-Oui, tes petites bouclettes, là, dit-elle en tripotant une portion de cuisse de J.B.F géolocalisée dans un périmètre de 15 cm² sur la partie antérieure du bas du fémur.

-Ah ?

-Je trouve ça, so british !

-Si tu aimes mon côté rasta anglais, je pourrais les tresser façon dreadlocks ?

-Comme vous êtes drôle J.B. Non, c’est très élégant comme cela, ne changez rien.

Marcelle, anglophile passionnée, posait parfois dans ses phrases un vouvoiement issu du « You » anglais qui se traduit indifféremment en français comme « tu » ou « vous ».

A la suite de quoi, ils avaient pris un thé à la bergamote, … (oui, un nuage de lait s’il you please, merci) …avec des biscuits au beurre qu’elle se faisait livrer par le magasin Harrods de Londres. Puis ils avaient remis le couvert en jouant une petite partie de tagada-tsoin-tsoin.

Après, ils avaient bu cette fois un thé glacé, boisson régénérante dédiée aux sportifs de haut niveau, notamment ceux du sport en chambre, J.B. en étant le champion catégorie poids moyen. Thé fort bon, par ailleurs, dont J.B. (le commissaire, pas le whisky) s’enquit de la recette. Marcelle était aux anges. Elle lui répondit :

-C’est tout un art. Pour réussir un thé glacé, il ne faut surtout pas le  faire refroidir après l’avoir plongé dans la boiling water, ce qui le rendrait amer, mais bien le laisser infuser à température ambiante, environ 35 minutes. Puis you le put au frais. You can ajouted une fine écorce of orange and citron pour parfumer légèrement.

Son avenir amoureux avec Marcelle demeurant encore incertain, J.B. crut bon de surenchérir par un « délicious darling » qui eut pour effet d’engendrer chez cette femme au cœur orienté « United Kingdom », une sorte d’extase spasmodique, genre soubresaut de rombière énamourée sautillant au bras d’un gigolo boutonneux de 17 ans sur le port de Saint Tropez. On titillait le sublime, l’apothéose orgasmique, l’apogée du buisson ardent.

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