La vie d’un homme.

Comment vaincre cette foutue timidité ? Après l’échec des cours du maestro du développement personnel, (qu’il- y-a-t-il de personnel et d’authentique lorsque 4 autres inconnus n’osent même pas vous regarder dans les yeux, ni proférer une seule parole sans avoir la bouche sèche et la glotte collée au fond du palais), Jean Baptiste Filippi se trouvait de retour à la case départ.

Pire, il sentait une petite dépression se pointer, le genre en dessous de 1 010 hectopascals. Pas franchement un typhon, mais quand même, ciel gris, pluie modérée.

Son portable sonna. Au bout du fil, Dusautoir marmonnait un truc inaudible. Filippi réussit tout de même à comprendre que son équipe avait réussi à loger[8] Charles Maudelin dit Charles le téméraire. Plusieurs braquages de banque à son pédigrée, quelques meurtres de policiers à sa poursuite. La procédure avant de le serrer, nécessiterait encore un temps d’observation, une planque ayant été organisée afin d’évaluer les allées et venues à son domicile, tout en se tenant prêts à intervenir au cas où. Ses hommes semblaient avoir les choses en main.

En conséquence, pour le commissaire, s’aventurer auprès des jeunes veuves de feus ses collègues policiers du 18ème arrondissement apparaissait comme un impératif catégorique aux intérêts supérieurs à tout le reste. Dans ces conditions la carte de police constituerait un sésame ouvrant aussi sûrement les portes de ces dames que leurs alcôves froufroutantes.

Pas très reluisant moralement parlant. Mais Filippi voyait plutôt cela comme un devoir, l’élan consolateur au service du travail de deuil, lors des premiers moments douloureux du veuvage. Une forme de réparation, de reconnaissance de la nation auprès des familles, en commençant par les victimes au premier chef, à savoir les épouses, brutalement redevenues célibataires, en mal d’une tendresse, d’une affection, d’une présence, même fugace, afin de compenser un temps trop long, celui de l’attente cruelle dans les affres de la solitude, que le viril commissaire saurait combler, usant d’un mélange raffiné de sensualité paillarde marquée d’un tact de bon aloi.[9]


[8] Loger veut dire repérer dans le langage de la police

[9] Les lecteurs lubriques auront tout loisir de satisfaire leurs penchants dans le tome 2 du présent ouvrage, à paraître prochainement

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